Un miroir aux alouettes
« Il se força à sourire. Mais en son for intérieur, il ne cessait de se répéter que, tout compte fait, en trébuchant tout à l'heure, il aurait mieux fait de s'assommer.
- Qu'est-ce que vous faites dans la vie ? lui demanda finalement la fille Giordino, pour nourrir la conversation.
En plein dans le mille ! Dans la vie ? Je perds de l'argent au jeu, j'ai d'énormes dettes, un torpilleur adepte du droit romain aux fesses et, pas plus tard qu'après-demain, je vais vous kidnapper pour demander une rançon à votre père ! Et vous ?
Il avait la sensation de devenir fou ! Il imaginait sans peine ses deux acolytes l'observer de leur table: deux paires d'yeux dans son dos, furibonds et incrédules... Ils devaient ronger leur frein, chacun à sa manière, en se balançant d'une fesse sur l'autre ou placide comme un ours à l'arrêt.
- Je... travaille dans une librairie, répondit-il enfin.
Une sirène de police toute proche se mit à hurler. Un bruit acide, violent. Son sang se glaça un peu plus encore... »