La montagne noire
de Norman Chang-April alias de Michel Carnal
Un vent violent balayait la montagne. Entravés tout contre un éboulis rocheux, deux poneys mongols s'ébrouèrent, faisant cliqueter leurs sonnailles, puis se serrèrent l'un contre l'autre, les oreilles couchées et la peau parcourue de frissons.
Il était trois heures de la nuit. "L'heure où passent les démons", songea Guésar-Meg en se dégageant de sa couverture de feutre. Au-dessus de lui, la lune à son déclin diluait dans le ciel une clarté rougeâtre. Il faisait froid. De l'autre côté du feu éteint, Djeng, son compagnon de route depuis près de trois semaines, dormait, roulé dans sa robe tibétaine, les bras croisés sous la tête.
Guésar-Meg prêta l'oreille: les chevaux, apaisés, ne bougeaient plus, et seuls lui parvenaient, avec les murmures mystérieux de la nuit, les ronflements du dormeur.
Il demeura immobile un instant encore, puis se dressa d'un mouvement silencieux et vif...
Éditions ALBIN MICHEL