Le voyageur du passé
de Paul Halter
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de Paul Halter
Kathy Hirschel, immigrée allemande, tient une librairie spécialisée dans le polar, dans un quartier très animé d'Istanbul : Koulédibi. La quarantaine passée, elle se désespère de sa morne existence et décide alors de se séparer de son petit ami Selim et de son appartement. Elle préfère partir en quête d'un nouveau logement et rencontre pour ce faire un fonctionnaire corrompu qui lui propose quelques appartements.
Celui de son choix, situé dans une superbe résidence, est pour le moment squatté par Osmane, un chef de la mafia des parkings. Elle tente de s'introduire dans l'appartement promis et de forcer le passage. En vain. Ce qui lui vaut quelques échanges houleux avec ledit squatter. Le lendemain, ce dernier est retrouvé mort, d'une balle dans la jambe (dans la jambe ? Oui, bizarrement !).
Désignée comme la coupable idéale au titre de son altercation avec la victime la veille au soir, elle est arrêtée, interrogée et finalement relâchée, faute de preuves. Elle entend cependant mener l'enquête et prouver son innocence aux membres de la famille d'Osmane, qui aimeraient venger la mémoire de leur frère, de leur fils.
Survient alors un autre meurtre, dans un immeuble voisin de sa librairie : celui d'une vieille dame éviscérée pour quelques bracelets en fer-blanc. Mais qui sont les auteurs de ces deux crimes, sans lien apparent ?
C'est ce que Kathy va s'appliquer à découvrir.
de Yves Mamou
Tous les matins, la fille blonde passait au volant de la Cadillac rouge-cerise. Lentement. Lentement aussi, les forçats se redressaient, la regardaient, silencieux, tendus. Plus lentement encore, les yeux étonnés, profonds, douloureux de la fille se levaient sur Johnny...
Mais qu'est-ce qu'elle lui voulait donc ? Le narguer ? Lui faire honte de sa tenue de forçat ? Lui faire mal en évoquant par son apparition les joies du monde libre ? Une garce ?...
L'effet fut instantané. Nick se jeta sur le sol, instinctivement, et il vit les autres se précipiter pour trouver un abri. Même Yasunara avait abandonné son attitude languide pour bondir derrière son palanquin. L'avion piqua puis se redressa dans un bruit comparable à celui d'un jet. L'oreille de Nick saisit le crépitement d'une mitrailleuse. Autour d'eux, la terre desséchée éclata en geysers de poussière et de mottes. Un homme hurla quelques mots en cantonnais.
Le ciel redevint calme pendant que l'avion continuait sur sa lancée. Nick se releva, le Camarade également. Les autres demeuraient prostrés. Wong le Gros poussait de petits cris, comme une femme. Nick alla jusqu'au palanquin, saisit Yasunara dans ses bras et la porta jusqu'à l'abri qu'offrait un arbre noueux, sur le bord de la route. Derrière lui, le Camarade cria quelque chose qu'il n'entendit pas. Le moteur de la Daimler se mettait en marche.
- Lâchez-moi! Comment osez-vous me toucher ! jetait Yasunara furieuse. Vous paierez cette audace de votre vie, présomptueux ! Sacrilège! Lâchez-moi !
Nick ferma les yeux et poussa un soupir mélancolique. Les bons moments de toutes ces années étaient loin derrière lui. Tout comme la Jamaïque. La Jamaïque avait été enivrante. Deux semaines merveilleuses de plaisir au soleil, loin de M. Hawk qui, tout ému, devait croire, cependant, que son meilleur agent était en train de risquer sa vie et de se torturer la cervelle.
Or, cette mission avait été une sinécure et un enchantement. Une sinécure, qui, entre autres choses, lui avait rapporté une confortable gratification pour services rendus à l'oncle Sam. Et puis, il y avait eu la Comtesse de Freshaye, une aventurière audacieuse, grande et belle, qui, non seulement, avait été au coeur de l'affaire, mais en avait constitué le plus délectable élément.
C'est alors qu'il dînait avec elle dans la salle Montego de l'Hôtel Cayman qu'il reçut un message ainsi rédigé : Nick Carter, j'ai besoin de votre aide. Notre ami commun Max Dillman, d'Intour, m'a souvent parlé de vous. Il m'a dit pensait que vous étiez à Kingston. Il vous a cherché et vous a aperçu dans le salon, ce soir; il vous a entendu dire que vous aviez l'intention de quitter la ville dans un jour ou deux...
L'eau ruisselait le long de leurs corps en petites coulées tièdes, comme ils regagnaient, en traînant les pieds dans le sable fin de la plage sombre, l'abri rocheux où ils avaient laissé leurs vêtements.
Nick laissait courir ses doigts sur le visage d'Antoinette, il effleurait d'une caresse légère et vagabonde les joues, les lèvres et son menton, puis l'épaule et la peau satinée de son bras mouillé. Ses doigts soudain s'immobilisèrent. Elle avait maquillé le haut de son bras et des traces de fard subsistaient encore, mais l'eau l'avait délavé et il pouvait voir les points révélateurs des piqûres.
- Je m'en doutais, dit-il calmement. Mais je croyais qu'il était impossible de s'en procurer, à moins de traiter directement avec les Communistes chinois.
Il la sentit se raidir, tandis qu'il scrutait son visage d'enfant. Son corps, menu, mais magnifique, parût se faner.
- Oh, mon Dieu! gémit-elle. Aidez-moi, aidez-moi, je vous en prie...
Pressé de partir en week-end dans les environs de Berlin, Joachim Linde, professeur d'allemand et pur produit de l'après-68, réussit à grand peine à mettre fin à un cours dont le sujet, "Les écrivains allemands d'après-guerre et leurs prises de position sur le Troisième Reich", a déclenché de violentes polémiques parmi les élèves.
De retour chez lui, tout dérape: la mère d'une de ses étudiantes l'appelle pour critiquer son cours et le menacer; le petit ami de sa fille arrive à l'improviste de Milan et l'accuse de s'être comporté de manière déplacée avec elle pendant des années; son fils, Pablo, mis au courant de la situation, lui casse la figure puis s'enfuit, ivre mort, au volant de sa voiture.
Le voyage à Berlin se trouve une nouvelle fois annulé, mais le pire reste à venir...
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"À travers ces personnages pétris de bonne conscience, dont l'apparente banalité dissimule un brin de perversité, c'est un certain visage de l'Allemagne d'aujourd'hui qui est remis en question."
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Un voyou qui est la main droite d'un puissant mafioso spéculateur en immobilier se trouve en perte de vitesse à la fois dans son mariage et dans son travail. Pour impressionner sa femme et son patron, il organise un faux attentat contre ce dernier...
Un jeune couple tire profit du commerce avec des immigrés et en particulier de la sous-location de son appartement...
Deux terroristes guettent, à la fenêtre d'un appartement déserté, le passage du pape...
Un vieil homme énigmatique pense avoir trouvé le moyen d'échapper à l'angoisse de la mort...
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Guillermo Arriaga dit trouver son inspiration dans la rue et non dans les livres. La rue est bien au coeur de ce recueil de nouvelles qui prend aux tripes.
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Dans ce quartier populaire situé de part et d’autre de la grande avenue qui dessert la zone sud de Mexico, les personnages ont les nerfs à fleur de peau, la rage de vivre et de vaincre. Un sang bouillonnant irrigue ses artères où se jouent désirs, jalousies et rivalités. Ici, la vie et la mort sont au coude à coude, et le lecteur ne sortira pas indemne de cette lutte. En refermant le volume, il n’oubliera ni les actes odieux des petits Roberto et Rodrigo, ni l’angoisse viscérale de Rómulo, ni le mystère de la veuve Díaz, ni le fantôme de Laura.
De sa plume sobre et acérée, Guillermo Arriaga fait jaillir des histoires souvent violentes, toujours bouleversantes.