Guillermo Arriaga
Éditions Phébus
2004
Nous voici transportés au lendemain de la bataille de Torréon, qui voit la mythique Division del Norte de Pandro Villa écraser les forces loyalistes... un pas décisif pour l’avancée de l’insurrection. Et nous suivons avec une honteuse curiosité les tribulations du licenciado Velasco, un avocaillon à la dérive qui manque plus d’argent que d’idées.
Velasco a en fait beaucoup plus que des idées, il a UNE idée. Profitant du climat de relâchement consécutif à la victoire, il soumet à Villa une invention extraordinaire, capable selon lui de semer la terreur parmi ses ennemis et de consolider son pouvoir comme jamais: la guillotine !
Intrigué, Villa demande à voir - et, ravi, s’amuse à actionner en personne le redoutable instrument (par bonheur les prisonniers ne manquent pas et il peut s’offrir ainsi une mémorable récréation). À la fin, éclaboussé de sang et fatigué peut-être de voir tous ces corps sans tête gigoter comme des pantins, il prend une décision « historique »: au lieu d’acheter la « Veuve » contre espèces sonnantes, il nomme son promoteur dépité capitaine et lui confie un escadron qui va bientôt s’illustrer au premier rang des troupes révolutionnaires.
Ainsi naît l’Escadron Guillotine, qui connaîtra maintes heures de gloire et d’horreur... jusqu’au jour où le mécanisme de la terrible machine, mal entretenu, s’enraye - le couperet reste obstinément coincé... Humiliation du caudillo, disgrâce de l’infortuné Velasco, dégradation dudit Velasco et relégation aux corvées de cuisine...
L’histoire, qu’on se rassure, n’en reste pas là. La guillotine finit par reprendre du service, tranche le col d’un gringo trop curieux qui répond au nom d’A.B. (allusion à la fin d’Ambrose Bierce, disparu comme on sait dans la tourmente mexicaine), escorte les cavaliers rebelles jusqu’à Mexico... et se voit consacrée comme symbole du nouvel ordre national.
Velasco atteindrait-il enfin aux honneurs tant souhaités ? Même pas. Pris d’un remords tardif (mieux vaut tard, paraît-il), l’apprenti sorcier à qui l’on vient de commander de construire plusieurs exemplaires du fameux coupe-têtes afin d’assurer le bonheur du peuple décide de saboter son travail : les raccourcisseurs sortis de ses mains refusent de fonctionner, et pour avoir la conscience enfin libre, il brûle l’original.
Le profiteur de guerre, tourmenté par un retour de morale des plus inattendus, termine sa carrière comme victime du destin.
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"Mais résumer l’histoire, c’est encore ne rien dire... Ce qui compte ici en effet, c’est l’art du diabolique Arriaga, lequel ne tombe dans aucun des pièges attendus de l’exagération baroque à la mexicaine : jouant la carte de l’humour noir mais glacial, de la distance, de la « neutralité », il impose sa vision sanglante avec d’autant plus de force qu’il se garde d’en appuyer le trait. Dire qu’on en sort un rien remué est un euphémisme. Mais ce n’est pas grave : on a passé quelques heures sans pouvoir trouver le sommeil… en compagnie d’un écrivain qui nous montre à chaque page qu’il n’est pas le premier venu. Que demander de plus ?" - L'Éditeur -
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